Abstract: |
Dans un contexte où la population vieillit et où les innovations médicales et
pharmaceutiques soutiennent une croissance élevée de la consommation des
ménages en matière de santé, il apparaît primordial d’avoir un marché des
assurances qui soit efficace et qui réponde aux besoins de la population. Ce
rapport vise donc à porter un éclairage sur le fonctionnement et l’encadrement
réglementaire du marché des assurances privées de personnes au Québec dans le
contexte où l’assurance privée de personnes s’inscrit dans le RGAM du Québec.
Puisque les données publiques sur ce marché sont limitées, nous avons conduit
une enquête unique auprès des employeurs québécois de 50 employés ou plus afin
de mieux analyser les enjeux de ce marché. L’enquête, réalisée par Léger
Marketing, inclut deux volets. Le premier volet est adressé aux directeurs,
aux directeurs généraux, aux présidents ou aux vice-présidents des entreprises
(« DG ») et vise à connaître leur vision des enjeux qui entourent les
assurances collectives. Le second volet est celui qui permet d’avoir des
détails précis sur les caractéristiques des contrats d’assurance. En plus de
questions quantitatives sur les assurances, il inclut les questions du premier
volet. Il est mené auprès de la personne la plus au fait des contrats
d’assurance collective dans les entreprises (responsables des assurances
collectives, ou « RAC »). Dans un premier temps, nous procédons à une analyse
du fonctionnement général de l’assurance collective et privée de personnes et
faisons ressortir l’ensemble des droits et obligations des acteurs. Dans un
deuxième temps, nous analysons l’offre et la rentabilité des produits offerts
par les assureurs dans ce marché, le niveau de compétition dans le marché,
l’élasticité de la demande d’assurance ainsi qu’une appréciation globale de la
relation entre assureurs et assurés telle que perçue par les employeurs. Les
principaux constats émanant de l’analyse sont les suivants : · Tout d’abord,
nous notons que les obligations de conformité et de solvabilité des assureurs
sont importantes. o En effet, annuellement, tout assureur doit préparer et
déposer auprès de l’Autorité de marchés financiers (AMF) un état des résultats
qui expose sa situation financière. o L’état des résultats et le bilan doivent
notamment comprendre les placements et prêts de l’assureur, les espèces en
caisse et en banque, les revenus en primes et cotisations et les autres actifs
de l’assureur. o L’AMF ne fixe aucune limite aux bénéfices qu’une société
d’assurance peut faire, du moment où elle reste solvable et en mesure
d’assumer tous les risques prévus dans ses contrats d’assurance. D’ailleurs,
les assureurs sont légalement requis de mettre un certain pourcentage de fonds
de côté pour le versement des prestations et des rentes. · Cependant, les
obligations légales au niveau de la transparence sont limitées, tant pour
l’assureur que le courtier en assurances. o Nous notons que la réglementation
prévoit que « l’assureur ne doit pas exagérer l’étendue des protections
offertes ou le montant des prestations payables, ni en minimiser le coût »
(Règlement d’application de la Loi sur les assurances, article 35). o Selon la
loi, le courtier doit « décrire au client et lui préciser la nature de la
garantie ». Il doit aussi indiquer au client « les exclusions de garantie pour
[lui] permettre […] de discerner s’il ne se trouve pas dans une situation
d’exclusion ». · De plus, à ce jour, rien n’indique que les acteurs qui
peuvent exiger des informations supplémentaires sur les contrats d’assurance
collective aient usé de ce pouvoir. o Selon l’article 70.3 de la Loi sur
l’assurance médicaments (LAM), la Régie de l’assurance maladie du Québec
(RAMQ) a la capacité d’exiger de tous assureur ou représentant en assurance «
la production de tout contrat d’assurance collective ou régime d’avantages
sociaux en vigueur et de tout autre document explicatif s’y rapportant. » o
Nous considérons que le ministre de la Santé et des Services sociaux devrait
adopter un règlement afin de préciser les pouvoirs de la RAMQ quant à la
portée de l’application de l’article 70. 3 de la LAM. o En outre, en vertu de
l’article 78 (9.2) de la LAM, le ministre a le pouvoir d’adopter un règlement
pour « prescrire, aux fins des articles 70.1 à 70.3, les modalités de
communication des listes des contrats d’assurance collective et des régimes
d’avantages sociaux, ainsi que des contrats d’assurance collective et des
régimes d’avantages sociaux, l’information concernant toute modification à ces
contrats ou régimes ayant pour effet de transférer des personnes admissibles
au régime public, de même que la fréquence de communication et le contenu des
listes ». · Il semble plutôt y avoir des obligations de transparence au niveau
des contrats entre assureurs, courtiers et preneurs (employeurs). o Selon les
résultats de l’enquête : § Plus de 80 % des assureurs ont l’obligation, en
vertu du contrat d’assurance, de divulguer le montant des prestations par type
de protection offert. Ils sont aussi nombreux à devoir fournir des
explications lorsque le montant des primes change. § Environ 60 % des
répondants ont indiqué que leurs contrats prévoyaient la divulgation du
pourcentage des primes qui est dédié aux frais administratifs. § Enfin, 53 %
des courtiers en assurances qui sont rémunérés en pourcentage des primes
totales dévoilent ce pourcentage, mais près de 40 % des répondants ont dit
ignorer le mode de rémunération de l’intermédiaire. · Il est particulièrement
difficile d’étudier le marché de l’assurance privée en raison d’un manque de
données publiques non agrégées. · Un élément qui ressort particulièrement de
l’enquête auprès des employeurs est le manque de connaissance des
caractéristiques des contrats d’assurance collective. o Ainsi, 33 % des
responsables des assurances collectives ignorent le montant total des primes
versées pour l’assurance collective. Ce pourcentage grimpe à 76 % lorsqu’il
s’agit des prestations totales. De plus, la majorité des répondants n’était
pas en mesure d’identifier la coassurance applicable à l’achat de médicaments.
o Malgré cette lacune, la plupart des répondants considèrent avoir
suffisamment d’information pour bien comprendre les contrats d’assurance
collective. o Étant donné que plus de 50 % des employeurs considèrent que les
assurances collectives sont coûteuses, il est étonnant de constater ce manque
d’intérêt envers les caractéristiques des contrats. Ceci pourrait suggérer que
les employés qui désirent mieux comprendre leurs contrats d’assurance
pourraient avoir des difficultés à obtenir des réponses satisfaisantes. De
plus, un tel manque d’intérêt des employeurs pourrait être symptomatique de
difficultés pour ces derniers à poser les bonnes questions aux courtiers et
aux assureurs. · Nous notons également que le marché de l’assurance est
relativement compétitif. o L’indice de Herfindahl-Hirschmann et le ratio de
concentration des quatre plus grands assureurs sur le marché montrent que le
marché est relativement peu concentré, indiquant qu’il y a peu d’inquiétudes
quant à la compétitivité dudit marché. o Cependant, ceci ne suffit pas pour
affirmer que le pouvoir de marché ne permet pas aux assureurs de faire des
profits économiques anormaux. Une des sources les plus communes de pouvoir de
marché concerne la possibilité que les preneurs puissent faire face à des
contraintes importantes pour changer d’assureur (switching costs en anglais).
Si c’est le cas, ces employeurs sont peu susceptibles de changer d’assureur si
les primes augmentent. o Les résultats de l’enquête montrent qu’il y a peu de
contraintes associées à un changement d’assureur. Les directeurs généraux
sondés ont indiqué que, pour une augmentation des primes de 10 %, ils avaient
36 % de chances de changer d’assureur. Pour les responsables des assurances
collectives, la probabilité de changer d’assureur si les primes augmentent de
10 % est de 44 %. · Dans un tel contexte, un assureur qui augmente ses primes
de manière injustifiée risque de voir ses revenus (et ses profits) diminuer,
puisqu’il perdrait une partie de sa clientèle. o Il nous apparaît donc
probable que la compétition dans ce marché soit assez élevée et qu’elle se
fasse en grande partie sur les prix. o Les résultats de l’enquête semblent
d’ailleurs confirmer que les assureurs se font compétition au niveau des prix,
puisque 49 % des DG et 47 % des RAC ont indiqué qu’ils considéreraient rester
avec leur assureur parce que les prix sont similaires entre les différents
assureurs. · Toutefois, les employeurs ont peu de chances de cesser d’offrir
des assurances collectives, puisqu’elles sont considérées comme nécessaires
pour attirer et retenir les meilleurs employés. o Les directeurs généraux ont
indiqué qu’ils avaient seulement 5 % de chances d’arrêter d’offrir des
assurances collectives si les primes augmentaient de 10 %. Pour les
responsables des assurances collectives, ce pourcentage est de 7 %. · Enfin,
la rentabilité des produits d’assurances collectives au Québec et Canada
semble être similaire si on se fie uniquement à la proportion des primes
payées qui est reversée sous la forme de prestations. En 2015, pour les
contrats d’assurance maladie qui font partie de régimes assurés, 79 % des
primes étaient reversées en prestations au Québec. Ce pourcentage était de 77
% pour l’ensemble du Canda. o Bien qu’il n’y ait pas de réglementation
concernant le pourcentage des primes qui devrait être reversé aux assurés au
Canada, d’autres pays ont choisi de réglementer un peu plus le marché de
l’assurance privée en santé. § Aux États-Unis, l’Affordable Care Act (« Obama
Care ») - si cette réforme demeure en vigueur avec la nouvelle administration
- vise à mettre en place un dispositif de contrôle des compagnies d’assurance
privées sous la forme d’une obligation de reddition de comptes. Les
fournisseurs d’assurances privées américains sont, depuis, légalement tenus de
payer de 80 à 85 % des primes qu’ils perçoivent sous forme de prestations aux
assurés ou, à défaut, de fournir des remises à leur clientèle. § En Australie,
les assureurs qui souhaitent être désignés comme des assureurs qui offrent des
produits d’assurance santé ne peuvent effectuer aucune modification quant au
montant de la prime de l’assuré. Toute hausse doit être demandée au préalable
au ministre de la Santé de l’Australie et cette demande est accompagnée
d’information financière qui favorise la transparence des compagnies
d’assurance vis-à-vis le public. |
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